Leurs quelque 10 000 enregistrements de chansons, recueillies directement dans les communautés rurales du sud des États-Unis au courant des années 1930, ont permis de découvrir, de redécouvrir et de préserver de grands pans du répertoire folk, gospel et blues des États-Unis. Pour certains, toutefois, ces ponctions à même la culture afro-américaine relèvent de la mise en scène, voire de l'appropriation culturelle. L'historien Pierre Lavoie explique à Jacques Beauchamp comment les premiers folkloristes faisaient preuve de subjectivité en cherchant l'expression la plus pure possible de « l'esprit du peuple ».
Né au Texas en 1867, John Lomax grandit au son des ballades de cowboys, qui frappent son imaginaire. Il en fait le sujet de ses recherches universitaires dès les années 1890 et y consacre un recueil, préfacé par Theodore Roosevelt, en 1910.
Aux sources de la musique noire
Vers 1933, il entreprend un nouveau chantier avec son fils Alan : documenter les chansons traditionnelles des communautés afro-américaines. Ils sillonnent les plantations et les prisons, croyant que les lieux isolés leur permettront de trouver les legs les plus purs de la culture noire, y compris des chansons datant de l’esclavage.
C’est ainsi qu’ils découvrent et font passer à la postérité le travail d’artistes fondateurs comme Lead Belly, Muddy Waters, Blind Willie McTell, Wade Ward et Woody Guthrie, notamment.
« Il y a un choix dans les chansons, il y a un choix dans la mise en scène… Il y a plusieurs choix qui confortent beaucoup de stéréotypes par rapport aux Afro-Américains. […] Ce sont des choses qui se transportent jusqu’à aujourd’hui. »
Pierre Lavoie aborde également, au cours de cette émission, l’émergence du métier de folkloriste en lien avec la montée des nationalismes au 19e siècle, ainsi que le lien des Lomax avec les pouvoirs publics américains.